28.12.2025 16:44 – Reto Naegeli
Le rapport sur la transparence 2025 de Lobbywatch montre que la volonté de rendre publiques les rémunérations stagne. Trois quarts des parlementaires dissimulent une partie ou la totalité de leurs revenus supplémentaires.
Outre son mandat de conseiller national, qui représente une charge de travail de près de 90 %1, Peter Schilliger exerce 20 mandates rémunérés. À la demande de Lobbywatch, M. Schilliger refuse de divulguer le montant de sa rémunération pour 19 de ces mandats. Seul son mandat au conseil d'administration de Kursaal-Casino AG est public, avec une rémunération annuelle de 500 francs. En termes de revenus, le politicien lucernois du PLR est donc le politicien fédéral le moins transparent. Il est suivi par le conseiller aux États du centre Erich Ettlin.
Parmi les dix politiciens les moins transparents, on trouve huit conseillers aux États et deux conseillers nationaux. Le Centre est représenté par cinq politiciens, le PLR par quatre et le PS par un conseiller aux États. Le top 10 des politiciens les moins transparents est exclusivement masculin.
Un bilan décevant
Lobbywatch en est convaincu : les électeurs doivent savoir quels politiciens reçoivent de l'argent de qui pour défendre leurs intérêts – et combien. C'est précisément cette question qui est au coeur du présent rapport sur la transparence : les membres du Conseil divulguent-ils combien ils gagnent grâce à leurs mandats extérieurs? La réponse est décevante. Seul un petit groupe fait preuve d'une transparence totale, tandis que la transparence au Conseil national et au Conseil des États stagne généralement à un niveau modeste. 44 % des parlementaires ne divulguent aucun revenu provenant de leurs mandats. Seuls 27 % des parlementaires déclarent l’ensemble de leurs revenus. Les 29 % restants divulguent une partie de leurs rémunérations.
Ces chiffres proviennent d’une enquête menée par Lobbywatch auprès de tou·tes les membres du Parlement en été 2025. Dans son analyse, Lobbywatch a pour la première fois établi une distinction entre la transparence totale (tous les revenus déclarés) et la transparence partielle (au moins une rémunération déclarée).
L’ancienne méthode de calcul du taux de transparence regroupait la transparence partielle et la transparence totale. En utilisant cette méthode, le taux de transparence se situerait actuellement à environ 56 %, presque identique au taux de 58 % publié dans le dernier rapport sur la transparence en début d’année 2024. Toutefois, la nouvelle méthode de calcul, plus différenciée, a montré que seule une minorité fait preuve d’une transparence totale.
Absence de dispositions légales
Actuellement, la loi oblige les parlementaires à déclarer uniquement les mandats qu’ils et elles exercent, et si ceux-ci sont rémunérés ou bénévoles. Les montants exacts restent secrets, sauf si les élu·es décident volontairement de faire preuve de transparence.
Le Groupe d’États contre la corruption du Conseil de l’Europe (GRECO) critique depuis des années ce manque de transparence. Malgré cela, les responsables politiques ne réagissent pas. En mai 2024, le Conseil des États a rejeté une initiative de l’ancienne conseillère aux États genevoise Lisa Mazzone (Verts). Cela aurait contraint les parlementaires à rendre publics leurs revenus additionnels sous forme de fourchettes.
Les Verts transparents, le PLR fermé
Les écarts entre les partis sont significatifs. Les Verts obtiennent la première place : 88 % de leurs députés déclarent tout ou partie de leurs revenus, et 68 % les déclarent même intégralement. Le PS est également situé nettement au-dessus de la moyenne, avec respectivement 77 % et 51 %.
Les partis bourgeois accusent du retard. Le PLR arrive en dernière position : aucun·e membre de son groupe parlementaire ne déclare l’ensemble de ses revenus, seul un tiers déclare au moins une rémunération. Le Centre atteint un taux de transparence totale de 13 %, mais 48 % de ses membres divulguent la rémunération d’au moins un mandat. L’UDC s’est améliorée, passant de 34 % à 48 % de transparence partielle, mais elle n’atteint que 19 % en ce qui concerne la transparence totale.
L’opacité du PVL s’est considérablement accrue : seuls 41 % de ses parlementaires divulguent encore partiellement leurs rémunérations, alors qu’ils et elles étaient 64 % en 2024.
Les femmes plus transparentes que les hommes
Une tendance nette émerge selon le sexe : 62 % des femmes parlementaires déclarent tout ou une partie de leurs rémunérations, contre seulement 51 % des hommes. Cette différence est encore plus frappante en ce qui concerne la transparence totale : un tiers des femmes déclarent l’ensemble de leurs revenus, tandis que seuls un quart des hommes le font. Près de la moitié des hommes siégeant dans les conseils restent complètement silencieux sur les rémunérations liées à leurs mandats.
Différences cantonales : le canton de Berne se montre transparent, la Suisse centrale secrète
Les différences cantonales sont également importantes, mais elles ne correspondent pas aux stéréotypes courants, comme l’opposition ville-campagne ou Röstigraben. Les cantons conservateurs de Suisse centrale, Nidwald, Obwald et Schwyz, sont une boîte noire : les 10 parlementaires de ces cantons gardent le silence. Les cantons densément peuplés de Zurich et d’Argovie se situent dans la moyenne. Les cantons de Berne et du Jura sont ceux qui se distinguent par leur transparence.
Les jeunes et les seniors sont ouvert·es, tandis que les quinquagénaires se montrent réticents En termes d’âge, une alliance étonnante se dessine en faveur de la transparence : les personnes âgées de plus de 70 ans arrivent en tête, avec les deux tiers d’entre elles pratiquant une transparence totale. Les personnes âgées de moins de 40 ans suivent avec 43 %. Entre ces deux pôles, les quinquagénaires font figure d’exception : seul·es 25 % déclarent l’intégralité de leurs revenus, tandis que plus de la moitié gardent le silence.
Les mandats économiques dominent
Près d’un mandat rémunéré sur deux provient du secteur économique : 457 sur un total de 1 094. La politique et l’économie nationale (105) et les transports (101) se situent loin derrière. Quant à l’environnement, à la culture et au sport, ils ne jouent pratiquement aucun rôle.
L’orientation politique a une incidence sur la répartition des mandats : les trois groupes bourgeois (UDC, Le Centre, PLR) détiennent 836 mandats rémunérés, soit 76 %. La gauche du Parlement (PS, Verts) et le PVL n’en comptent ensemble que 258.
Avec 6,3 mandats rémunérés par siège, le PLR se trouve en position de force. Le Centre se trouve juste derrière lui avec 6,1. Le PS compte le moins d’emplois secondaires, avec seulement 2,7 mandats par siège, et les Verts en comptent 3.
Les politiciens les moins transparents
Le conseiller national lucernois Peter Schilliger (PLR) est le moins transparent avec 20 mandats rémunérés, dont un seul est rendu public. Il siège à la Chambre des métiers de l'Union suisse des arts et métiers et occupe à lui seul huit mandats rémunérés dans le secteur de la construction.
Il est suivi en deuxième position par le conseiller aux États obwaldien Erich Ettlin, avec 15 mandats opaques, dont des mandats d'administrateur dans des caisses d'assurance maladie, un siège au comité directeur d'ExpertSuisse et quatre mandats rémunérés dans le secteur immobilier.
La troisième place revient à Lorenz Hess (Centre, BE) avec 16 emplois secondaires rémunérés, dont dix au sein du groupe Visana et rémunérés conjointement. Hess fait valoir que ses mandats auprès de différentes sociétés du groupe Visana doivent être comptés comme un seul et ne divulgue que deux mandats à Lobbywatch.
Ce qu’il reste à faire
Les données se révèlent claires : la transparence volontaire a du mal à s’établir. Tant que les parlementaires ne seront pas légalement obligés à s’y conformer, de nombreux·ses parlementaires continueront de ne pas déclarer leurs revenus annexes. Lobbywatch juge nécessaire d’instaurer une telle obligation. En effet, les citoyen·nes ont le droit de connaître les revenus de leurs responsables politiques.
Faites vos propres recherches
Vous trouverez ici le rapport complet sur la transparence de l’année 2025, avec toutes les données, les graphiques et les évaluations détaillées !